Exposition du 23 avril au 31 octobre 2011

Publié le par J.-G GWEZENNEG

 

 GWEZENNEG : INTRUSIONS, épaves, secrètions, dessins, gravures

 

Saint-Sauveur-le-Vicomte

musée Jules Barbey d'Aurevilly

23 avril au 31 octobre 2011


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Né à Rennes en 1941, Gwezenneg travaille et réside depuis 1968 à Teurthéville-Hague, dans la presqu’île du Cotentin.


Son œuvre développe un lien profond avec cette région de bocage, de marais et de landes entourée de mer, qu’il a élu pour s’établir. Grand pourvoyeur de débris, l’océan lui procure la matière de nombreuses créations, où viennent aussi se joindre d’autres objets inanimés, dépôts résiduels de maintes vies révolues. Parcelles parfois minuscules, ces fragments éparpillés, démembrés des formes primitives que la nature ou l’industrie leur avaient données, se trouvent ainsi recomposés et métamorphosés, parés pour un nouveau périple. Chez Gwezenneg, l’expérience du collecteur éveille l’acuité tranchante du goéland. Mais l’œuvre de construction procède aussi d’une précision d’orfèvre, méticulosité un peu barbare qui n’est pas sans évoquer la puissance chamanique de l’art des peuples de la préhistoire. La croix, souvent présente comme trame ou comme indice, ne figure d’ailleurs pas ici comme référence historique à la Passion du Christ. Elle retrouve dans le propos prométhéen de Gwezenneg l’efficience du symbole cosmique, exprimant le mode même de création de l’univers. Le résidu - fragment de carcasse délavé ou cadavres entiers, parfois encore munis de dents et de pilosité – côtoie en outre l’écriture organique de formes germinatives aux capacités suggestives infinies. Tantôt semblables aux noirs bataillons des larves de la charogne de Baudelaire, ces motifs, au grès de leurs pullulements, peuvent aussi évoquer l’horizon de continents lointains ou les rondeurs de la maternité. Aptes aux migrations de l’infiniment grand à l’infiniment petit, ces secrètions sont aussi bien présentes dans certaines créations monumentales, produites à partir d’épaves et d’ossements, que dans l’œuvre gravée de l’artiste. Dans ce dernier domaine – lieu des labeurs hivernaux - la projection biologique d’une sorte de physiologie intime rejoint l’ambition cartographique de l’arpenteur, créateur d’univers bordés de noirs océans et de nuits abyssales.

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Parce qu’il assume fondamentalement la dimension sépulcrale de l’acte artistique et l’exacerbe, Gwezenneg partage avec Barbey d’Aurevilly une fascination évidente pour la mort. Poursuivie jusque dans ses prémices criminelles, saisie dans la violence de l’acte meurtrier, ravivée en lignes rouges, celle-ci couve et surgit dans les deux œuvres d’une manière étrangement voisine. Cette part de sensibilité commune pour « l’effroyable poésie du crime » émane t elle, par quelques mystérieux réseaux souterrains, du sol du Cotentin, de ses tempêtes et de ses brumes ? Elle soutient en tout cas une conscience également partagée selon laquelle « les crimes de l'extrême civilisation sont, certainement, plus atroces que ceux de l'extrême barbarie par le fait de leur raffinement, de la corruption qu'ils supposent, et de leur degré supérieur d'intellectualité ».

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Gwezenneg n’est pas un illustrateur et se refuse à l’être. Sa rencontre avec l’auteur des Diaboliques ne se situe pas dans le domaine du figuratif ; on ne saurait identifier dans cette exposition Olonde ni le château du Quesnoy, Lasténie de Ferjol, la Malgaigne ou Calixte Sombreval. C’est précisément parce que ce dialogue s’établit sur de plus secrètes connivences que l’exposition de Gwezenneg éveille une dimension également plus actuelle et féconde de l’œuvre de Barbey. Le mode de l’intrusion, qui lui donne son titre, traduit ainsi avec exactitude le travail effectué dans et sur l’espace du musée Barbey d’Aurevilly.

 

(source Julien Deshayes du 5 avril 2011, 

Publié dans Revue de Presse

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